dimanche 1 mai 2016

Et ainsi, je (re)nais... 1-2

Avez-vous déjà eu l'impression de croiser un étranger dans votre miroir ? Et bien, à ce moment-là, c'est ce que je ressens. Je me regarde mais je ne me vois pas. Je ne me reconnais pas. Qui est cette femme au regard vide, au visage éteint ? Où est passé son sourire ? Où est passée sa bonne humeur ? Son amour de vivre ?

Je souffre, mais je ne suis pas la seule. Je vois mon mari impuissant face à ce qui m'arrive. Quelle preuve d'amour que de supporter mes angoisses, de continuer à me dire qu'on trouvera ce qui cloche, d'essayer de me réconforter. Je vois ma mère et ce regard désemparé qui me dit qu'elle souffre pour moi, avec moi. J'ai envie de lui crier : "Non ! Arrête ! Tu n'as pas à prendre ma douleur ou c'est toi qui te retrouveras dans mon cas ! Tu n'as pas à supporter ça !" Mais vous savez comment sont les mères. Elles ne supportent pas de voir la chair de leur chair dans le désarroi. Et moi-même, en tant que mère, je vois mon fils qui s'inquiète, qui aimerait retrouver sa maman, celle qui est pleine de vie, qui plaisante, qui le cajole, qui le gronde. Je tente de le rassurer, de lui dire que ce n'est qu'une mauvaise passe, que ça changera bientôt. Je me demande si j'arrive à le duper ou s'il me dit "d'accord" seulement pour que je ne m'en fasse pas pour lui ; une manière pour lui de me dire que, malgré ses six ans, il est fort et que si besoin est, il le sera pour nous deux. Mon amour pour lui me tire des larmes, son amour pour moi aussi.

Je veux me sortir de là, m'évader, échapper à l'angoisse qui m'oppresse. Alors, je commence à écrire. Je m'envole dans un monde magique peuplé de fées et d'elfes, de reines maléfiques mais aussi de beauté et d'amour. Amour de la nature, amour de la vie, amour de l'essentiel où toute énergie circule librement. Je revis dans le monde de Lonicéra, à travers Lonicéra, cette humaine devenue fée (cf la page Bibliographie). J'ignore encore que je me raconte, que je relate de manière romancée des expériences que je vivrai plus tard.
Comme tenir un stylo m'est douloureux, presque impossible, je tape directement sur le clavier de l'ordinateur. Je suis contente de voir que je suis encore capable de faire quelque chose de mes dix doigts ! C'est la seule chose dont je suis capable en ce moment. Je suis cantonnée à la maison, assommée par ces fichus médicaments qui ne calment pas ma douleur. Alors quelle joie de prendre conscience qu'il me reste un pouvoir créatif que je peux mettre à exécution ! Mais personne ne le sait. Je ne veux pas partager ces instants avec ceux qui me soutiennent pourtant de toute leur âme. C'est l'univers qui me soulage et j'ai peur qu'ils pensent que leur abnégation ne me suffit pas. C'est idiot, je sais, mais je suis tellement mal  que j'ignore si je suis encore très rationnelle ! J'ai l'impression que si j'arrive à aller au bout de cet écrit, une partie de moi ira mieux. J'aurais livré une partie de moi que j'ai plus ou moins conscience d'avoir refoulée depuis les années, et j'y verrai mieux. Ecrire me soulage, écrire guérit mon âme à défaut de soigner mon corps. Mais ce n'est pas suffisant. J'attends plus.

J'attends, j'ai l'impression de ne faire que ça. Je reste passive face à ce qui m'arrive, comme si j'allais accepter sans me battre. Avec le temps, la résignation s'installe et le déclic ne vient toujours pas. Je me traîne, je ne suis qu'une loque. Et j'ai honte de montrer cette image de moi à ceux que j'aime...

Ma mère s'inquiète. Elle a besoin d'extérioriser et parle de mon mal-être autour d'elle. Je n'aime pas qu'elle fasse ça. Je ne veux pas que les gens aient pitié de moi. Et pourtant, c'est à ce moment que je vais commencer à renaître.
Elle a parlé de mon problème avec l'une de ses amies. Celle-ci a elle-même une amie qui retire les douleurs. Elle se propose de lui parler de moi et que nous nous rencontrions si tout le monde est d'accord. Personnellement, je veux bien tout essayer !
Il ne me reste plus qu'un scanner à passer avant d'être orientée vers un centre de fibromyalgie. Mais je n'arrive pas à me décider à aller au centre d'imageries médicales. Je sais ce que signifie la fibromyalgie : pour moi, c'est l'équivalent de la voie sans issue. "On ne trouve pas ce que vous avez, alors on va tester des médicaments et on verra bien ce que ça donne ! Peut-être que ça marchera, qui sait ?"
J'ai lu que le taï-chi, aidant à une circulation plus libre des énergies dans le corps, soulageait un peu ce type de douleurs. Alors peut-être que Louise pourra m'aider !


Lorsque je la rencontre, je la vois à peine. Tout ce que je remarque, c'est son regard bienveillant et je me mets à pleurer, comme ça, comme une supplique, un appel au secours. Elle me parle mais ses mots ne s'impriment pas dans mon cerveau. Ils me touchent directement au coeur alors que leur sens m'échappe au fur et à mesure qu'ils sont énoncés. Je suis juste capable de m'allonger sur le ventre lorsqu'elle me le demande. Il n'y a que dans cette position que la douleur semble poins forte. Je suis même incapable de lui dire précisément où j'ai le plus mal, puisque la douleur est intense et se diffuse dans tous mes membres. 
Soudain, je sens la chaleur qui émane de ses mains. Je ressens la douleur qui monte en flèche sous forme de spasmes intenses qui m'empêchent de respirer. "C'est normal, me dit-elle. C'est que ça agit."
De toute manière, un peu plus ou un peu moins, c'est du pareil au même ! La différence, c'est que cette fois, la digue cède. Je pleure toutes les larmes de mon corps, les plus profondes, celles qui ne voulaient pas sortir de peur que l'on m'entende et que l'on s'inquiète encore plus.

Quand Louise a fini, je suis vidée. J'ignore même comment et quand elle regagne la sortie. Je suis dans une telle brume que je vais me coucher et je dors plusieurs heures d'affilée ! Oui ! Je dors ! C'est incroyable, n'est-ce pas ? Cela faisait une éternité que ça ne m'était pas arrivé ! La douleur ne me laisse jamais de répit... excepté à ce moment précis.

Après quelques jours, je me décide à appeler Louise pour lui parler de mon ressenti. La douleur est toujours aussi présente, mais il me semble être plus sereine. Nous convenons aussitôt d'un autre rendez-vous et ce sera ainsi pendant environ deux mois. Deux mois pendant lesquels Louise me reçoit chez elle pour me prodiguer ses soins. Deux mois pendant lesquels une femme que je ne connais pas me donne de son temps et de son énergie sans rien demander en retour. Et même quand je veux lui donner quelque chose, elle refuse. Je crois que je n'avais jamais rencontré une personne faisant preuve d'un tel altruisme, à part peut-être ma propre mère...
Ma mère qui, pendant ces deux mois, m'accompagne chaque semaine car je n'ai pas la force de conduire et que mon mari travaille. Quelle est d'ailleurs sa joie - et sa peur - le jour où je lui dis que je peux maintenant prendre le volant ! Les douleurs se sont estompées progressivement mais n'ont pas tout à fait disparu. Mais au moins me laissent-elles tranquille plus souvent.

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